Je vous remercie de votre concours au débat concernant la carte scolaire. Vous n'avez pas manqué d'apporter diverses oppositions à une proposition qui, je l'avoue, ne brillait pas d'originalité ! Toutefois, l'essence de certains commentaires me semble parfois teintée de pessimisme. L’idée de la carte scolaire se trouve majoritairement exclue au profit d’autres solutions ; et s'il n'y avait pas une réponse unique et absolue mais bien plusieurs jalons à poser face aux difficultés scolaires et donc d'insertion que rencontrent certains jeunes dans la société d'aujourd'hui ?
Un commentaire oppose l'école publique à l'école privée. Or, les écoles privées rencontrent à l'heure actuelle les mêmes problèmes que certaines écoles publiques. Manque de motivation des jeunes, difficultés à suivre le programme, violence, agressions. D'autres part, les écoles privées existaient il y a vingt ans, leur présence aujourd'hui n'apporte donc rien de nouveau. Sachant que la France est constituée essentiellement d'une classe moyenne, la majorité des français ne met pas ses enfants en école privée. Le sujet reste donc minoritaire face au débat.
Autre point, "Cette vision gosses riches du 16 et pauvres diables africains des "cités" est très réductrice" nous dit un lecteur ; après avoir évoqué la classe moyenne française, je ne peux que rejoindre le propos. L'énoncé était bien une caricature mais celles-ci (les caricatures), aussi grossières soient-elles, s'étayent tout de même sur des faits. Les gamins des ZEP sont majoritairement issus de l'immigration. Et les gamins des "banlieues" les plus en difficultés sont aussi, pour beaucoup, issus de l'immigration. Ceci n'est pas une caricature. Et l'histoire nous dit pourquoi ; des parents venus reconstruire la France. Nous parlons ici de la troisième vague migratoire, essentiellement constituée d'italiens, de maghrébins et de portugais ; tous logés dans un premier temps dans des bidonvilles. La France n'avait pas prévu qu'ils resteraient. Une fois le constat posé, on construit les tristes cités d'aujourd'hui à la hâte et à en marge des villes. Certains italiens repartent. Beaucoup de portugais prennent possession des loges de concierges. Il est probable que leur faciès plus européen ait facilité cette intégration. Les personnes originaires d'Afrique sont donc restées majoritaires dans les cités de l'exil. Et le constat, aujourd'hui est que l'intégration n'a pu se faire pour tous, de manière satisfaisante. Après la reconstruction de la France, beaucoup de pères maghrébins ont connu le chômage. Dans ce contexte, les garçons, êtres du pouvoir dans la famille, ont pris le dessus, ils semblent alors qu'ils aient un peu "poussés tout seul". On constate en effet sur le terrain que les enfants en difficultés sont très majoritairement des garçons. Les filles sont « tenues », elles ont un cadre, parfois opprimant mais qui leur permet toutefois de se structurer. Parmi les familles que mon équipe accompagne, il n'est pas rare, que nous allions voir le frère en prison tandis que nous connaissons peu la soeur qui par ailleurs passe le baccalauréat.
Dans ce contexte, je ne peux rejoindre totalement Marc, lorsqu'il dit " Ce n'est certainement pas un problème de pauvreté qui amène certains enfants à la délinquance, à l'irrespect et à ne pas faire leurs devoirs à la maison ! C'est un problème d'éducation parentale..". Je crois, pour ma part, que les causes sont multiples. La situation décrite plus haut ne favorise pas les bonnes conditions d'une éducation. Des parents en difficultés financières, qui ne maîtrisent pas toujours suffisamment la langue française et qui, reconnaissons le, vivent le stress d'un changement culturel qu'ils ont souvent choisi en désespoir de cause ; ce contexte là, n'est pas aidant pour une vie familiale harmonieuse.
La situation de vie exerce donc une influence. Mais il est vrai qu'à cela s'ajoute très probablement un rôle que les parents n'exercent pas comme il se doit. Et je crois que la manière de considérer et d'éduquer le garçon dans la culture africaine joue un rôle majeur dans cette affaire. Il bénéficie d'une forme d'émancipation et ainsi d'une certaine toute puissance beaucoup plus tôt que le « petit Dupont ». Chaque culture est respectable mais il ne semble pas que cette donnée, dans le contexte de société française, soit salvatrice. Or, ces enfants sont les enfants de la République, c'est pourquoi lorsque Marc nous dit "ce n'est pas aux gamins "riches de pallier, par le biais de la mixité, cette insuffisance", je suis tentée de répondre que c'est l'affaire de chacun de tenter d'apporter des réponses à ces difficultés.
Et tout reste encore à faire, mais à présent il y a urgence, pour tous les gamins de la société de demain ! "Les ZEP, (...), d'après mes lectures, n'ont pas permis de rattraper le niveau d'investissement/élève des établissements de "bons quartiers", précise Le Monlecte. Oui, le décalage reste entier ! Et la réponse ne peut être unique. L'urbanisme, la répartition des professeurs et la carte scolaire, sont, il me semble, des débuts de réponse. Mais l'urbanisme, s'il rencontre la volonté politique suffisante, dans combien d'années pourra t'on toutefois estimer qu'il commence à opérer ? Une nouvelle politique de construction de pavillons sociaux voit le jour dans différentes régions de l'hexagone. Des petites maisons roses, accolées les unes aux autres. Ne passe-t'on pas d'une situation verticale à un problème horizontal ? Les mêmes personnes vivront non plus les unes au-dessus des autres mais les unes à côté des autres, et ce, toujours un peu à l'écart...
Par ailleurs, La question des profs non expérimentés, relégués dans les ZEP, prendrait-elle la même dimension si une autre carte scolaire entraînait une certaine mixité sociale, qui, permettons-nous d'y croire, pourrait peut-être, à terme, abolir les territoires de ZEP ? "Les ménages à fort capital culturel et scolaire" auxquels fait référence Le Monolecte, auraient-ils autant d'intérêt à déployer tant d'énergie pour des "stratégies (...) d'évitement des zonages défavorables", si ces "zonages" n'étaient plus aussi marqués ? Et si ces « ménages à fort capital culturel et scolaire", n'étaient tout simplement pas majoritaires et représentatifs de la France d'aujourd'hui ? Et si l'intérêt de cette réorganisation de la carte scolaire se situait avant tout au niveau des écoles maternelles et primaires ? Et si l'on acceptait de ne pas condamner de nouvelles générations ? Et si beaucoup de professeurs, usés, s'y retrouvaient aussi et enfin ? Quel risque prenons-nous ?
Quant au temps de trajet entre le domicile et l'établissement scolaire, évoqué par Le Monolecte, il me semble qu'il s'agit là d'un des nombreux aspects à prendre en compte dans cette réorganisation. Un trajet d'une demi-heure reste gérable même s'il n'est pas idéal.
Enfin, et je m'adresse ici au travailleurs sociaux blancs de peau. Cessons, de culpabiliser d'avoir une culture différente de celle des personnes accueillies. Regardons en face le fait d'être des descendants de colons, reconnaissons clairement ce passé comme condamnable et permettons nous enfin de penser que nous ne sommes pas que cela ! Les pratiques, cultures et coutumes sont faites pour se rencontrer. Il est donc peut-être temps de prendre du recul avec nos séminaires et conférences sensées nous apprendre comment parler à un africain. Sa culture est certes marquée de différences mais il ne peut la pratiquer dans la société française comme il pourrait le faire en Afrique.
Dans ce contexte, il me semble qu’au lieu de se questionner sur toutes les procédures dont il faudrait user pour entrer « respectueusement » en contact avec une famille d'origine africaine ou maghrébine, il serait plus pertinent de mener avec ces mêmes familles, une réflexion commune sur le pont à mettre en place entre deux cultures qui ne demandent qu'à se rejoindre. Pour les générations de demain.
L'EDUC.
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