Parce qu'il est suffisamment de Magazines pour aborder la question de la béatitude inhérente à la venue d'un enfant et de l'amour incommensurable que ses parents lui portent nécessairement, je fais le choix, ici, sans complexe et culpabilité aucune, de partager avec vous ma lecture du moment. Claude Halmos, psychanalyste, nous raconte, face au sujet de l'éducation, "Pourquoi l'amour ne suffit pas".
" La mise en avant de l'amour est d'autant plus problématique qu'elle se double d'un certain nombre de croyances. Si l'on examine, en effet, ce qui se fait et se dit sur le terrain à propos des enfants, on se rend compte que tout se passe comme si cet amour que l'on ne cesse d'invoquer était, dans "l'impensé collectif", doté de deux caractéristiques majeures. La première de ces caractéristiques est que, entre parents et enfants, l'amour serait toujours présent. La chose n'est évidemment jamais énoncée comme telle mais elle sous-tend tous les raisonnements. Et pas seulement dans ce que l'on a coutume d'appeler le grand public. Quand on écoute par exemple, notamment à propos de cas de maltraitance, des magistrats, des travailleurs sociaux et même des soignants (psychologues, psychanalystes ou psychiatres) évoquer la possibilité de remettre dans sa famille un enfant qui en avait été retiré, on s'aperçoit que, si tous ces professionnels peuvent éventuellement envisager que des parents aiment trop leur enfant, s'ils peuvent, à la rigueur, admettre qu'ils ne l'aiment pas assez (moins, par exemple, que tel ou tel de ses frères et soeurs), il leur est en revanche quasiment impossible d'entendre qu'ils puissent ne pas l'aimer du tout. Hormis quelques cas de parents considérés comme anormaux ou monstrueux et constituant d'ailleurs à ce titre des sortes d'exceptions qui confirment la règle, la chose n'est pas audible.
Tout parent normal est supposé aimer son enfant et celui-ci l'aimer en retour. En fait, et toujours de façon impensée, chacun semble persuadé que l'amour vient aux parents en même temps que l'enfant ; qu'il naît dans leur coeur comme le réflexe de lécher son petit vient à la femelle animale qui a mis bas...
Cette conception quasiment mammifère du désir humain ne laisse pas de poser problème. De plus - et c'est la seconde caractéristique - on semble considérer que cet amour supposé toujours là serait également à l'instar sans doute du lait maternel toujours bon pour l'enfant. Cette croyance est d'autant plus vivace que l'on interroge rarement la nature de l'amour parental : l'amour ? C'est... l'amour. Le raisonnement ne dépasse guère le niveau du refrain d'une chanson à deux sous. Comme s'il était, dans ce domaine plus encore que dans d'autres, particulièrement malvenu d'interroger les sentiments.
La dimension qualitative de l'amour parental n'est :
- soit pas abordée du tout. On s'étonne par exemple que, confrontés à des familles dans lesquelles des dérapages graves prouvent à l'évidence que la relation des parents à leurs enfants est problématique, tant d'intervenants échouent à se poser une question pourtant évidente : "Ils aiment leur enfant. Soit (ou peut-être...). Mais comment l'aiment-ils ?" Question qui ouvrirait la possibilité d'une salutaire réflexion sur la nature du lien qui unit ces parents à leur progéniture.
- soit abordée sur un mode qui dépasse rarement le registre du jugement moral. On parle de parents qui aiment mal leur enfant. Or ce type d'approche ne permet pas un travail en profondeur sur le sujet. Aimer mal un enfant c'est, dans l'acceptation ordinaire, l'aimer trop (et l'on retrouve le quantitatif), ou l'aimer d'une façon que la morale réprouve et, dans ce cas, la chose est condamnée sans être étudiée. La condamnation a, de plus, quelques effets paradoxaux puisque, la réprobation entraînant le rejet, le parent qui aime mal (le père incestueux par exemple) se trouve renvoyé dans le camp des mauvais parents. Il prend donc rang, au même titre que les parents non aimants déjà évoqués, parmi les exceptions qui sont supposées confirmer la règle selon laquelle l'amour parental (ou ce que l'on croit tel) serait globalement et par nature forcément bon pour l'enfant.
La pratique analytique avec les enfants et leurs familles démontre, jour après jour, que ces deux croyances, en un amour toujours là et en un amour toujours bon, sont fausses.
Entre les parents et leurs enfants, l'amour n'est pas toujours là. Il est des parents qui ne peuvent pas aimer leurs enfants et, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, ils ne sont pas pour autant des monstres que la nature aurait privés d'un organe essentiel. Chez les humains, en effet, l'amour parental n'a rien de naturel. Le rapport des géniteurs à leurs enfants n'est pas chez eux, comme il l'est chez les animaux, programmé par l'instinct. Il est affaire de parole et de désir et ce désir peut être bloqué par l'histoire personnelle." *
* Claude Halmos, " Pourquoi l'amour ne suffit pas", Nil Editions, 2006
Tu as très bien fait de nous faire partager cette "lecture du moment". Je partage tout à fait l'avis de Claude Halmos sur ce sujet. Je ne peux pas détailler sans entrer dans des choses très intimes, mais tu m'as vraiment donné l'envie de poursuivre cette lecture. Merci...
Rédigé par : Corinne | 22/11/2006 à 23:26
Claude Halmos s'attaque en effet de front aux multiples croyances liées à l'amour parental et de manière plus large à l'éducation. Je ne manquerai pas de partager d'autres propos de son ouvrage...
Au plaisir.
L'EDUC.
Rédigé par : L'EDUC | 26/11/2006 à 00:31
bonsoir je suis tout à fait d'accord avec Claude Halmos Je suis adopté et j'ai écrit et publié dernièrement un livre sur l'adoption où je dénonce ce discours ambiant sur ce soi disant amour ds l'adoption alors que je décris des situations d'adoption qui n'ont rien à voir avec l'acte d'amour enfin oui l'ADOPTION ET SA FACE CACHEE EDITIONS JUBILE, 2007 mon nom est christian demortier Merci de transmettre
Rédigé par : christian demortier | 27/11/2007 à 18:56
C'est important
Rédigé par : Malala | 04/12/2008 à 11:43