Début septembre, soit quelques jours avant mon départ en congés, j'apprenais que les écoles faisaient à présent office de boites de conserve pour les tirs à la carabine. Deux jours plus tard, je m'envolais pour le Maroc, bien décidée à oublier, pour quelques temps, la situation pathologique du système éducatif français. Mais je fus une fois de plus rattrapée par ma curiosité, lorsque l'évènement de la rentrée scolaire au pays marocain, fut venu.
Le roi du Maroc, Mohammed VI a récemment mis en place un Conseil supérieur de l'Enseignement qui "constitue la concrétisation d'une volonté nationale de tous les marocains et une consolidation du rôle de l'école, considérée comme un pari pour l'avenir".* L'objectif principal, selon différents médias du pays est de lutter contre la déscolarisation. La réforme en cours se décline en différentes mesures et la France pourrait tout particulièrement s'inspirer de l'une d'entre elles. M. El Malki, ministre de l'éducation nationale, de l'Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la recherche scientifique du Maroc évoquait cette orientation lors d'une récente intervention sur la première chaîne de la télévision marocaine. Le thème en substance est "la famille et l'école : ensemble pour la promotion de la qualité". Il vise à l'occasion de cette nouvelle rentrée scolaire à "intégrer les familles marocaines dans le système éducatif pour créer une interaction et complémentarité positives entre les famille et l'école et donner une forte impulsion à la réforme de l'enseignement".* De manière concrète, il s'agit d'amener les familles à s'inscrire dans un véritable investissement face à la scolarité de leur enfant. Ainsi, la veille de la rentrée scolaire à Fez (et peut-être même dans tout le pays marocain) est un jour de fête aux allures de carnaval. Une occasion de rencontre entre parents, enfants et professeurs sur une note ludique. Des temps d'information et d'échanges plus formels sont également prévus tout au long de l'année.
Un thème et des actions concrètes qui pourraient être sources d'inspiration sur le sol français en utilisant également des campagnes de communication autour de l'école et de la citoyenneté. Ma pratique de terrain m'amène en effet à constater que l'importance de la scolarité et le suivi des enfants par leurs parents en termes d'assiduité et de soutien scolaire n'est pas suffisamment consciente pour certaines familles. Or, on sait combien l'échec scolaire peut-être source de violence. C'est pourquoi il semble important que cette prise de conscience, en lien avec la notion de citoyenneté, soit un axe de communication des pouvoirs public, une orientation de travail au sein même des établissements scolaires (en lien étroit avec les familles) et le coeur d'intervention des travailleurs sociaux. Quant aux objecteurs invétérés qui prôneront le sempiternel refrain de la pauvreté et de l'exclusion pour mieux nous prouver que certaines familles ne sont pas en mesure de s'investir, je leur raconterais cette anecdote dont un professeur marocain m'a fait part. Un de ses élèves, issu d'une famille pauvre, lui a récemment confié qu'il avait découvert à l'âge de 16 ans que sa mère, avec laquelle il avait passé des années à travailler ses leçons le soir, à la sortie de l'école, ne savait pas lire. Elle avait un jour tenu le livre de son fils à l'envers, c'est comme cela qu'il découvrit avec une certaine tendresse que sa mère était analphabète.
Isabelle Buot-Bouttier
* Journal marocain Al Bayane, parution du 18 septembre 2006.
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