La note du 3 mai 2006 intitulée "Un bâton dans la gueule du crocodile" commençait comme ceci : " La gueule du crocodile, c'est la mère ; le bâton, c'est le phallus du père, enfin, d'un point de vue symbolique, entendons-nous bien. Voilà, à présent le décor est posé, l'histoire peut commencer". Deux semaines plus tard, Le Monolecte laissait le commentaire suivant : " Mais la mère ne peut-elle être aussi engagée dans l'autonomisation de l'enfant? N'y aurait-il donc que des mères dévorantes et/ou fusionnelles? Pas sûre...". Je n'ai pas résisté à la poursuite du débat....
Chère Le Monolecte,
Ce questionnement que vous nous confiez est délicieux ! L'approche que j'évoque dans la note "Un bâton dans la gueule du crocodile" est celle de la psychanalyse (interprétée par une humble éducatrice). Après avoir été "terrassée" par ce courant de pensée durant de longues années, je sors depuis peu de son emprise pour penser autrement. Aussi, je ne suis pas encore suffisamment valide pour remettre totalement en question Mister Freud. Toutefois, je commence à m'octroyer une certaine autonomie de pensée pour enfin oser dire qu'il n'avait probablement pas raison sur tous les fronts (si tant est que la raison existe !). Je crains, pour vous faire une confidence, que Sigmund souffrait d'une certaine misogynie, pour preuve sa névrose du phallus. La société est juste encore suffisamment phallocratique pour que le propos de notre homme n'ai tout simplement pas encore heurté les esprits. (Non, je n'ai pas d'adhésion au mouvement chienne de garde !). Alors qu'en est-il de la femme pour qui, malgré son manque (celui du pénis), il serait judicieux en ces temps difficiles de s'affubler de la capacité d'autorité, soit d'avoir des couilles ? Je vais vous faire une révélation. J'ai la conviction qu'on nous a menti : un zizi aussi éléphantesque soit-il n'a jamais fait autorité ! Donc pas de nécessité absolue de sa présence pour faire tiers, pour conduire vers la société. Dans cette hypothèse qui est mienne, le troisième larron qui vient aider à mettre un peu de distance dans la relation mère-enfant, peut être féminin. Toutefois, il me semble que la femme, dans la mesure où elle porte l'enfant dans sa plus grande intimité, est peut-être dotée d'une forme de prédisposition quasi physiologique à l'osmose relationnelle. L'autre, le tiers, masculin ou féminin, est en ce sens une aide à la prise de distance. L'idéal est que ce soit le père. Mais cela reste bien un idéal et non un impératif.
Enfin, je ne crois pas que la femme soit condamnée à dévorer son petit ou à fusionner avec lui. Son rôle est aujourd'hui plus large que celui d'une éducation dans les murs du foyer. La mère, a elle aussi accès, aujourd'hui à la société. Elle partage un peu plus la gestion de la bourse (celle du ménage) et pousse parfois le vice à occuper un poste à responsabilités. Elle doit dire merde aux demeurés qui lui tripotent le derrière dans le métro et est amené à donner son avis sur les choses de la politique de son pays au cours de dîners. N'est-ce pas là des conditions idéales pour développer ce que la muse a dû refouler durant de longues décennies ? Je parle ici de la capacité à être, à faire, à dire, à adhérer, à s'opposer, soit à prendre de la distance et si nécessaire, à faire autorité ? Si l'hypothèse est bonne alors la femme porte bien en elle le possible d'un engagement dans l'autonomisation de l'enfant, telle est ma conviction.
L'EDUC.
Peut-être est-ce le niveau d'éducation général qui modifie les comportements. On a déjà observé une corrélation très forte entre le niveau d'éducation des femmes et leur fécondité.
Parce que les femmes sont plus autonomes (en moyenne), peut-être leur mode d'attachement à l'enfant a évolué. Mon éducation d'éthologue m'a poussé à battre en brêche le stupide concept d'instinct maternel qui a fait des ravages chez bien des jeunes mères qui, suite à un problème quelconque avec elles-mêmes ou notre modèle social, ne pouvent se reconnaître dans la norme fusionnelle mère/enfant. Du coup, je ne me suis pas sentie obligée de plonger dans ce type de relation que je trouve nuisible et j'ai pu construire tranquillement des interractions profondes mais non aliénantes, entre notre nouveau-né et nous, ses parents.
Etant quelqu'un de foncièrement indépendant, j'ai aussi fait en sorte de développer au maximum l'autonomie de ma fille, dans une optique assez cyrulnikienne : une hyper disponibilité les 8-12 premiers mois pour construire la base affective de réassurance sur laquelle ma fille a pu s'appuyer pour commencer son exploration dès sa deuxième année.
Aujourd'hui âgée de 3,5 ans, elle fait preuve d'une grande autonomie qui lui permet de construire déjà son propre monde d'interractions sociales avec les autres enfants de son école. Elle est épanouie et très sociable. Etrangement, on me fait le procès de cette éducation, car, pour beaucoup : pas de fusion = mauvaise mère!
on a encore du boulot en éducation, mais faudrait commencer par les parents et les familles.
Rédigé par : Le Monolecte | 21/05/2006 à 09:27
Bonjour,
Pour les présentations, je suis Moniteur-Educateur (bientôt), je passe le CAFME en juin 2006 et j'ai 40 ans.
Je ne critique pas le "fond" de votre propos l'éduc, mais la proximité de la formation me demande de corriger un point qui, somme toute, a de l'importance.
Lorsque Freud parle de Phallus, c'est de puissance qu'il s'agit, donc rien à voir avec le pénis. Rien de sexué, tout est symbolique et les femmes ne sont pas privées de phallus, bien au contraire !
Lors de ma maigre expérience, j'ai pu rencontrer des femmes avec un phallus gros comme çà...
Je voudrais en profiter pour citer Christiane Olivier (une femme !), qui dans son livre "Les fils d'Oreste", revient sur l'Oedipe.
"On ne saurait trop insister sur le fait que les destins sexuels du garçon et de la fille diffèrent considérablement. Car si l'un comme l'autre s'attachent à l'objet primordial, la fille aura à trouver un objet de sexe différent de celui de sa mère. Son évolution la voue au changement d'objet (1er déplacement-renversement par substitution, allant de la mère au père), suivi d'un choix d'objet définitif (2e déplacement du père au substitut du père). Cette propriété du développement féminin rendrait compte des difficultés propres à la sexualité féminine."
A. GREEN, Bisexualité et différence des sens, cité dans "Les fils d'Oreste" C. OLIVIER
Il semblerait que pour la fille, le renoncement au Complexe d'Oedipe (ou d'Electre) se fasse plus graduellement, moins complétement.
Ceci pour dire que la pensée de Freud n'est pas figée, et de nombreux psychanalystes ont travaillé dessus depuis un siècle.
Et que, c'est sans doute la raison pour laquelle la psychanalyse est attaquée de toutes parts actuellement, l'élaboration DOIT continuer.
Là où je vous rejoins, c'est qu'un excès de simplification a causé des dégats... je pense en particulier aux mères d'autistes.
Rédigé par : Lorenzo | 21/05/2006 à 18:58
Bonsoir Lorenzo,
"Lorsque Freud parle de Phallus, c'est de puissance qu'il s'agit, donc rien à voir avec le pénis. Rien de sexué, tout est symbolique et les femmes ne sont pas privées de phallus, bien au contraire !". Dites-vous.
Rien de sexué, oui, dans la mesure ou la métaphore est effectivement symbolique. Toutefois, la comparaison demeure et Freud parle bien d'objet manquant lorsqu'il définit la petite fille. Le lien entre la puissance et le phallus (symbolique) est donc tout au moins suggéré....Et on ne peut plus représentée dans notre société. Par ailleurs, vous avez raison de souligner que la pensée de Freud évolue et cela grace au travail de différents auteurs. En revanche, ce qui me semble non satisfaisant, c'est une pensée issue d'un seul courant. La psychanalyse a ses forces mais elle doit être, il me semble, complétée d'autres angles de vue.
Merci. Au plaisir.
L'EDUC.
Rédigé par : L'EDUC | 21/05/2006 à 23:29
Bonjour,
Je n'ai pas lu tout Freud, mais cet "objet manquant" me fait penser à l'objet "a" de Lacan.
Ce serait -si j'ai bien compris- la partie fusionnelle de la mère et de l'enfant, imbriquée, et que le père est sensé faire ressortir lors de la séparation oedipienne.
Pour le coup, tout le monde est concerné par ce manque, hommes et femmes.
Joseph Rouzel en parle dans son livre "La transfert dans la relation éducative", comme du manque constitutif de tous les sujets. Il fait par ailleurs un schéma qui est trés clair.
En fait, c'est exactement l'opposé de la toute-puissance, à laquelle nous sommes exposés en tant qu'éducateurs, lorsque l'on veut -justement- "combler" les manques.
Mais il est fort possible que nous ne parlions pas de la même chose.
Rédigé par : Lorenzo | 22/05/2006 à 12:20
Bonsoir,
Je n'ai pas non plus lu la totalité de l'oeuvre de Freud et ne prétend pas maîtriser totalement le propos. Il me semble par ailleurs que me suis mal exprimée lorsque je parlais de "manque". Je faisais référence, dans la théorie freudienne à la petite fille définie par le manque de pénis (et non de phallus, nous sommes bien cette fois au niveau du sexe physiologique); le petit garçon étant en revanche celui qui possède le pénis. Or, au delà d'une réalité physique incontestable, il est toutefois regrettable de définir l'être féminin par le manque comme si la référence était ce fameux pénis !
Enfin, la métaphore pénis physiologique et phallus symbolique ne fait, à mon sens, que maintenir l'ambiguïté.
Au plaisir.
L'EDUC.
Rédigé par : L'EDUC | 22/05/2006 à 22:35
Le point de vue biologique éclaire le débat freudien d'intéressante façon. Les jeunes foetus commence par tous présenter des organes génitaux féminin, quelque soit leur code génétique. C'est ensuite, sous l'influence des hormones sexuelles que les garçons transforment le vagin en penis, le clitoris en gland et les ovaires en testicules.
Que les hormones viennent à manquer à l'instant critique et un XY peut se retrouver avec des organes très féminisés.
Rédigé par : Le Monolecte | 23/05/2006 à 15:04
Et bien, voila, tout est dit, non ?
L'EDUC.
Rédigé par : | 24/05/2006 à 00:14
Chère Le Monolecte,
Je prends le temps, avec un peu de retard pour vous parler de votre note du 21 mai concernant votre conception de l'éducation face à l'autonomie de l'enfant. La manière dont vous évoquez votre rôle de mère me parait particulièrement intéressante et le fait d'en parler, courageux, vous dites en effet vous-même que l'on vous fait le procés de cette éducation ! Aussi, il me semble qu'un débat passionnant s'annonce. J'envisage donc d'écrire une note très prochainement sur ce thème.
Au plaisir de vous lire à nouveau.
L'EDUC
Rédigé par : L'EDUC | 24/05/2006 à 00:40
Bonsoir,
Je rejoins tout à fait "le monolecte" (qu'est-ce que çà veut dire ?), car c'est ce que voulais signifier avec humour, lorsque je parlais de phallus "gros comme çà !".
Les hommes, bien souvent, refoulent l'aspect féminin de leur personnalité. Tandis que les femmes, elles, du fait de siècles d'enfermement (dans tous les sens du terme) revendiquent de plus en plus leur phallus (au sens Freudien).
Je regrette que nous soyons passés d'un excès à l'autre, et j'y vois un lien avec les difficultés existentielles, affectives et relationnelles actuelles...
Mais il s'agit sans doute ici d'un autre sujet !
Rédigé par : Lorenzo | 24/05/2006 à 13:44
Arf!!!
"Cachez ce phallus que je ne saurai voir"
Franchement, je ne cherche pas à prendre la place de l'Homme (tellement sévèrement burné qu'il lui faut un H majuscule pour tout y mettre), je veux juste avoir une place, la mienne de préférence. Je veux que l'on admette que le fait que je sois une femme n'est pas une tare ou un handicap qui me rendrait, par exemple, moins efficiente pour les maths, les abstractions, l'orientation ou l'autonomisation de mon enfant.
En tant que femmes, nous avons tendance à être jugées en creux, par rapport à l'homme, toujours dans le sens de nos supposées incapacitées ou déficiences.
Autre sujet polémique à creuser : l'homoparentalité, revenue sur le devant de la scène grâce au bouquin de Christophe Girard. On ne sait pas ce que vaut le pavé, mais son auteur défend super bien son point de vue dans les médias qu'il fréquente abondamment...
Rédigé par : Le Monolecte | 25/05/2006 à 09:33
Et quel est le point de vue de l'auteur ?
L'EDUC
Rédigé par : | 25/05/2006 à 20:53