Pour un lecteur qui n'intervient pas dans le secteur social ou psy, la réparation, cela ne veut pas dire grand chose. Aussi, pour l'exprimer en langage clair je vous propose de traduire cette notion par celle de la Vocation :
Quel métier exercez-vous ? - Je suis éducatrice spécialisée - spécialisée en quoi ? - En tout et en rien, disons que je travaille avec des enfants, ado et adultes qui rencontrent des difficultés d'ordre sociales, psychologiques, affectives, intellectuelles et physiques ; enfin certains cumulent ces handicaps, d'autres n'en ont que quelques uns.. - Ah ! éducatrice ! je vois, ça c'est vraiment une vocation !
Et voila, le mot est laché, je suis une samaritaine, une soeur "quelque chose", une "bonne de coeur".
Je ne sais pas vraiment ce qu'est une vocation, je ne crois pas à l'inné, si ce n'est pour une couleur de peau ou de cheveux. Non, résolument, non, je n'ai pas la vocation ! Moi, Je répare. Comme mes collègues, éducateurs, assitants socio, psychologues, psychiatres (et oui, eux aussi !), je répare. J'arrange mon histoire de vie, je la revisite à ma sauce. Je mets de la paumade sur des blessures, des sentiments : l'injustice, l'isolement, la lacheté, la solitude, la peur, l'angoisse et autres douceurs sucrées de l'âme. Je rassure le gamin que j'ai été et puis je transmets ; après m'être réparé, je répare l'autre, le blessé, le malade, le tordu, le pas beau, l'isolé, l'exclu, bref, le vilain petit canard.
La seule différence entre un "réparateur" correcte et un "réparateur" dangereux c'est la profondeur de la blessure et la qualité de la pommade.
Le "réparateur" dangereux est celui qui n'a pas conscience de sa blessure et qui donc, n'a jamais fait usage de pommade. J'ai déjà eu un collègue dans ce cas de figure. Un grand enfant qui ne voulait pas voir ses blessures. Yanowitch (je l'appellerai ainsi) parlait souvent de lui, sans le savoir. Yanowitch se projetait. En termes psy cela veut dire qu'il voyait l'enfant qu'il fût à travers les jeunes dont nous nous occupons. Aussi, parfois, quand la projection était importante, mon collègue ne parlait pas du jeune Yannick ou Yacine mais de lui-même, il y a 15 ans ou 20 ans, en situation de souffrance.
Mais je m'éloigne de notre sujet, quel était-t'il ? Ah oui ! La vocation ! Et bien non, finalement je ne me suis pas éloignée tant que cela.
La vocation à l'aide, c'est lorsque l'on a soi-même ressenti, à un moment de sa propre vie, ce besoin d'être aidé. Ensuite, il y a deux cas de figures, soit j'ai trouvé un minimum d'aide (soutien familial, environnemental ou thérapie personnelle) et je suis ensuite en mesure de transmettre l'aide à un autre (tout en continuant à me réparer, soyons honnête !), soit je n'ai pas trouvé ce minimum et je dis alors avoir la vocation : "je vais aider l'autre" mais il est très probable que je sois alors un être en souffrance qui ne tente que de se réparer à travers l'autre.
Un autre auquel je n'apporte rien de vraiment bon puisque je n'ai pas de pommade pour ma propre blessure.
Promis, la prochaine note sera plus légère.
L'Educ
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