Les médias, à tort ou à raison, n'ont jamais autant parlé des mineurs auteurs de délits que ces dernières années. Si le sujet est moins d'actualité au cours de cette campagne présidentielle que durant celle de 2002, le débat concernant les mesures à prendre face aux délits des mineurs reste toutefois bien présent dans les discours et ne manque pas d'opposer les partis. Voici dans ce contexte, un exemple de mesure de réparation pénale pour mineurs. Une action mise en place dans le cadre d'un partenariat entre la projection judiciaire de la jeunesse et l'Université de Nanterre.
Le poète Jacques Prévert peut reposer en paix*, le temps des bagnes pour enfants est fort heureusement révolu. Des lieux de détention ou orphelins, vagabonds, voleurs et auteurs de délits, étaient sensés suivre "le droit chemin et apprendre un métier". Ils étaient, en tout cas, bien souvent fortement maltraités. Dans un contexte de relative conscience sociétale, ces centres fermeront les uns après les autres.
En 1945, le pays s'inscrit dans un renouveau et dans un discours officiel de l'ordre de "plus jamais çà". Le 2 février, une ordonnance permet une distinction juridique, et de fait symbolique, entre l'enfant et l'adulte. Le mineur auteur de délit sera avant tout considéré comme un enfant à protéger, la délinquance étant appréhendée comme le passage à l'acte dont la cause principale demeure, la souffrance. L'ordonnance de 45, comme on la nomme dans le jargon du milieu éducatif, instaure alors la primauté de l'éducatif sur le répressif. Un thème qui ne manque de faire encore parler de lui, donnant parfois l'impression que 1945, c'était hier ! Digne représentante de l'histoire de leur métier, les éducateurs se référent à l'ordonnance comme le pape au livre saint et ne peuvent souffrir qu'il soit envisagé de la modifier. Elle l'a pourtant été un nombre considérable de fois.
Ce sera à partir de cette ordonnance que le monde des mineurs sera alors appréhendé et que la justice à leur égard se mettra en place. Depuis, le juge des enfants intervient auprès de l'enfant victime (c'est le cadre de la protection de l'enfance), ainsi qu'auprès de l'enfant auteur de délit (cadre de l'ordonnance de 45). On dit qu'il a une double casquette.
Lorsque le jugement est prononcé, le mineur auteur est confié au service de protection judiciaire de la jeunesse qui dépend du ministère de la justice. Le jeune sera alors suivi par un éducateur du dit service.
L'ordonnance de 45 permet au juge de décider de mesures de réparations pénales, une alternative à la prison qui ne manque pas d'intérêt. Il est d'ailleurs très regrettable que ces mesures ne soient pas plus souvent appliquées (sans évoquer la lenteur de la justice qui amène parfois un jeune à être jugé plusieurs années après le délit !). Elles sont en effet porteuses de sens, elles tentent d'inscrire le mineur délinquant dans la prise de conscience et relèvent de la notion de citoyenneté.
A Nanterre, la Protection judiciaire de la jeunesse a développé un partenariat avec la ville et avec l'université Paris-X. "Avec deux chercheurs en sciences de l'éducation, spécialisés dans le domaine des violences scolaires, nous avons développé un programme permettant d'accueillir des jeunes devant effectuer une mesure de réparation" explique Jean-Luc Guinot, chef de service des moyens généraux et de la sécurité, dans le magazine municipal d'information de la ville "Nanterre info" de mars 2007. Une action qui semble issue des réflexions menées au sein du "Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance", une instance peu appréciée des éducateurs spécialisées puisqu'elle réunit police, élus et lorsqu'ils acceptent d'y siéger, représentants d'Associations socio-éducatives. Les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (qui exercent uniquement pour le ministère de la justice contrairement aux éducateurs spécialisés qui ne peuvent exercer pour ce ministère. La formation n'est par ailleurs pas la même) semblent moins complexés puisqu'ils n'hésitent pas à s'inscrire dans des partenariats de ce type. Une posture qui semble leur permettre de réaliser des actions concrètes valorisées par des résultats.
"Cette alternative aux poursuites pénales vise à amener le mineur délinquant à prendre conscience de son acte, des torts causés à la collectivité ou à la victime, tout en réinstaurant avec lui un lien positif" précise "Nanterre info". Ainsi, durant une semaine, les jeunes concernés sont stagiaires de l'Université. Ils accompagnent durant la matinée les chargés de sécurité et participent aux activités sportives. L'après-midi, l'unité d'aide aux victimes (AVI) les accompagne autour d'une réflexion. Il est question de réfléchir à la situation de la victime. L'idée est pour le jeune de "revisiter" son acte et ses conséquences. Le mineur devra écrire un rapport à la fin de son stage, le chef de service des moyens généraux et de la sécurité en fera de même. Ils seront alors remis au juge.
Particulièrement adaptée aux primodélinquants, cette mesure de réparation vise à éviter une récidive. "Des cinq jeunes à l'université en 2006, un seul a récidivé dans les six mois qui ont suivi la sanction". Nanterre info.
Des mesures qui mériteraient d'être multipliées à l'infini...
Isabelle Buot-Bouttier
* Référence au poème « la chasse à l’enfant » de Jacques Prévert.
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