J'ai reçu aujourd'hui plusieurs messages qui m'amènent à m'interroger sur la clarté de mon propos concernant mon dernier billet aussi, je souhaite ici apporter quelques petites précisions.
Tout d'abord, et en termes clairs, je dénonce sans nuances toute forme de mépris, de rejet, d'exclusion, voire, dans le pire des cas, d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de la personne. Ainsi, et l'idée me paraît être un axiome, toute forme de discrimination, qu'elle soit raciste, sexiste, liée à l'orientation sexuelle, ou à toute autre forme de différence, est un acte à condamner sans appel.
A présent que nous nous sommes mis à l'aise, je continue à énoncer des "évidences" en précisant que tout être humain est, par essence, l'égal de son semblable et ce, quels que soient son sexe, sa couleur, son origine, sa condition physique et psychique, etc. Or, à partir de cette vérité, je questionne le statut de victime dans lequel certains d'entre nous semblent pris, statut paradoxalement lié à ce qui relève pourtant de cette égalité intrinsèque (le sexe, la couleur...) et je ne peux me résoudre en tant que femme, égale de l'homme, à bénéficier d'une journée "commémorative" des violences faites aux femmes. Tout comme je supporterais difficilement, si j'étais de couleur noire, l'instauration d'une date de commémoration des injustices faites tous les jours à travers le monde, aux gens de couleur (je ne parle pas ici de l'esclavage ni de la colonisation).
Pourquoi ? Parce que s'il est évident que ces situations sont à combattre, cette lutte ne peut passer, me semble-t'il, que par un véritable travail éducatif d'envergure sociétale en partant de cette base d'égalité d'essence. "Qu'est-ce que la différence ?" est la question centrale de ce travail. L'Autre est différent et sa différence n'induit en rien une notion d'infériorité ou de supériorité, il est tout simplement autre. Un Autre, Homme. N'est-ce pas cette question de l'altérité qu'il serait urgent d'appréhender dans les crèches, les écoles maternelles, les bacs à sable, dans la rue, chez les commerçants, bref dans notre quotidien ?
Or, présenter l'autre comme une victime (même s'il est vrai qu'il l'a été à un instant "t") et le résumer ainsi à ce statut, du simple fait de son particularisme ou de son identité, me semble être une forme sociétale de condescendance qui remet en cause la simple question de son égalité. La femme n'est pas née pour être la victime de l'homme pas plus que l'homme noir ne l'est pour être celle de l'homme blanc. La féminité, l'homosexualité ou la couleur de peau ne font pas des personnes concernées des êtres fragiles que la société doit tout particulièrement protéger ! S'il est vrai que leur particularisme a engendré des drames qu'il est urgent de reconnaître et de condamner, le statut de victime n'a quant à lui, qu'une seule particularité, celle de devoir être dépassé pour pouvoir exister en toute autonomie et dignité, soit en toute égalité.
L'EDUC.
Chère Isabelle,
Je vous ai fait part de mes craintes et réserves quant à votre avant-dernier message et même si vous le clarifiez dans celui d’aujourd’hui certains présupposés de vos affirmations me laissent perplexe : - Le dessin de l’autruche qui se voile la face n’illustre-t-il pas de façon littérale vos affirmations ?
Je comprends votre message universaliste contre la politique des quotas qui nous vient des USA et que Sarkosi (pour ne pas le nommer) aimerait appliquer en France en guise de discrimination positive qui d’ailleurs n’a pas fait ses preuves outre-Atlantique.
Effectivement, c’est peut-être consacrer la différence que de lui assigner un devoir de représentation et un devoir être en quelque sorte.
Cependant, là où je suis sceptique, c’est lorsque que vous qualifiez de « consécration » de la violence faite aux femmes la journée du 26 novembre sur la violence faite aux femmes. Consacrer une journée aux femmes pour tirer la sonnette d’alarme, c’est certes peu de chose mais c’est tout de même éveiller ou du moins tenter d’éveiller les consciences sur des faits qui ont tendance, surtout en France, à les occulter au nom d’une pseudo convivialité de façade.
Consacrer une journée à la dénonciation de l’assassinat de l’une de nos semblables par son compagnon tous les trois jours, cela ne me semble pas équivaloir à consacrer ces assassinats.
Vous critiquez à juste titre la « victimisation » galopante dans notre société et certes, c’est une tendance réelle qui risque de décharger la responsabilité individuelle sur la responsabilité collective en occultant les véritables tensions et en dissolvant la notion d’effort individuel dans une vaste masse liquéfiée de velléité bonace. Cependant, vous la critiquez au nom d’une égalité de tous les êtres humains qu’ils soient hommes femmes, homosexuels, bi-sexuels, noirs, gris, blancs etc. Faut-il vous rappeler que le concept tel qu’il a été élaborer par Thomas Hobbes dans son Léviathan définit un égal pouvoir de chacun d’éliminer tout un chacun : fondateur de la pensée politique de gauche,partant d’un constat si pessimiste il a inspiré les fondateurs de la République. En délégant leur pouvoir à une instance collective les membres du grand corps social, délèguent aussi leur pouvoir de vie et de mort sur leur prochain : on est un peu loin de message évangélique mais c’est bien là la source de toute la pensée politique de l’Occident. Et l’égalité devient non pas une égalité de fait mais une égalité des droits. C’est ce qui est défini par la Charte des droits de l’Homme. Celle-ci n’implique pas qu’il ne subsiste pas de différences entre les êtres humains. Les citoyens naissent et demeurent libres et égaux en droits. Sinon, on verse dans l’égalitarisme ou sa version la plus connue : le lit de procustre : tout ce qui déborde d’une ligne égalitaire et supprimé… etc. Aussi,
En tant que femme, ne suis-je pas choquée qu’une journée soit consacrée à la violence qui leur est faite car émettre une plainte c’est mettre un nom dessus, la reconnaître, la faire exister. Lorsque l’on subit une violence, ne pas mettre de mot dessus c’est la redoubler. C’est comme si vous disiez que mettre un nom sur une violence c’était la faire exister au sens de la produire. Il y a là une confusion dans l’ordre des causes et de effets il me semble. Si un homme blanc hétérosexuel ne se plaint pas des violences qu’il subit en tant que tel, c’est que dans les faits, il ne subit pas de violence en raison de ses propriétés.
Ce n’est pas parce que tous les humains sont égaux en dignité et en droit qu’il faut renier la réalité historique des agressions ciblées. Je ne pense pas que le supporter de Tel Aviv au Parc des Princes se soit fait intimider parce qu’il était un homme blanc mais bien parce qu’il était juif et que être juif pour certaines composantes de la société, c’est encore être nuisible : un exemple parmi tant d’autres. Quant à l’idée de réserver la particularité aux enfants, elle ne me semble pas davantage fondée…à suivre et à discute si vous le voulez bien : cela a le mérite de lancer la discussion…
Maud Benayoun
Rédigé par : Benayoun | 28/11/2006 à 21:16
Thème pas facile. Thème d'actualité.
Thème sur lequel on peut être facilement mal compris ...
J'ai entrepris qq premières petites recherches sur le sujet sur le Net. Voici un article qui me semble pouvoir utilement contribuer au débat : http://maisondesfemmes.free.fr/revue/violences/viol/violence.htm
Rédigé par : W_Aby | 02/12/2006 à 18:29
Merci W Aby pour votre lien et Benayoun pour le développement de votre propos qui, comme vous le dites vous-même, a "le mérite de lancer la discussion", sur un thème effectivement sensible et d'actualité.
La différence entre les êtres humains dont parle Benayoun est ce particularisme auquel je fais référence dans mon billet. Une différence plurielle qui fait de chacun d'entre nous un être singulier. Nous sommes donc bien en accord sur ce point précis. Je préciserai toutefois que si l'on définit le terme "égalité" comme étant la notion de valeur humaine et de respect inhérent à celle-ci, alors, il me semble alors qu'il existe bel et bien une égalité de fait, de laquelle découle, cette juste égalité de droits.
Une égalité qui n'empêche pas de mettre des mots et de diffuser l'information concernant les violences faites à certains, parfois au regard de leur différence. Je ne prône donc pas le non-dit et le tabou. Une femme meure en France tous les trois jours sous les coups portés par leur compagnon et l'information doit circuler. Ce que j'interroge en revanche, c'est la manière de faire circuler cette information. Je pense que des campagnes de communication qui amèneraient chacun à s'interroger sur son propre rapport à la question de la relation homme-femme seraient particulièrement adaptées à cette problématique qui puise ses racines dans l'enfance, l'adolescence, les parents, la famille, l'école.... Et c'est en ce sens que je m'interroge quant à la pertinence d'une journée consacrée à la femme "victime de l'homme" quand on sait que ce sujet ne peut être réduit à cette vision on ne peut plus simpliste. La femme victime de l'homme est une image d'Epinal (même si elle est aussi parfois une réalité) tandis que l'homme victime de la femme est une sorte de drôlerie qui suscite l'incrédulité. A ce titre, il semblerait que les hommes victimes de violence conjugale aient du mal à ce que leur plainte soit tout simplement acceptée. N'est-il pas une idée populaire qui susurre aux creux des oreilles qu'un homme victime d'une femme ne serait plus tout à fait un homme ? En revanche, une femme victime d'un homme, reste une femme ! Bien à sa place ! Alors ne lésinons pas sur les modes de communication, la violence est inacceptable, mais méfions-nous des consécrations qui peuvent entériner des "évidences" sociales bien discutables. Quant à la "réalité historique des agressions ciblées" à laquelle Benayoun fait référence en précisant qu'elle ne doit pas être reniée, elle est, me semble-t'il, l’équivalence de mon propos : "S'il est vrai que le particularisme a engendré des drames qu'il est urgent de reconnaître et de condamner...". Il s'agit donc d'un autre point sur lequel nous nous rejoignons.
En revanche, le "protectorat", adapté à la situation des enfants, l'est également pour celle des personnes handicapées qui, étant atteintes d'une déficience, ne sont pas toujours en mesure de pouvoir se protéger. Je ne vois pas, au delà de ces deux catégories de personnes, qui devrait bénéficier d'un statut particulier de protection, autre que celui de chaque citoyen.
L'EDUC
Rédigé par : L'EDUC | 03/12/2006 à 18:51
dans mon enfance j'ai été victime de violence psychique, psychologique et morale. comment ne pas inconsciemment reproduire cette violence vis à vis de l'autre et d'autant plus de nos enfants. arriver à se respecter dans nos différences, c'est se respecter. être responsable, c'est rester digne devant la souffrance des autres. mais comment être responsable quand on a jamais été respecter dans sa différence. j'ai dû me construire avec les moyens du bord que je trouvais sur mon chemin. le résultat est là, un enfant jeune majeur, ni autonome, ni indépendant qui attends tout de l'autre, des autres. je me sens responsable de cette honte que j'ai reçu et transmisse de manière inconsciente. que deviendra-t-il si'il m'arrive quoi que ce soit. je voudrais enfin vivre ma vie en fonction de mes désirs et souhait et de transmettre à l'autre ce que j'ai acquis par expérience. en sachant reconnaitre mais failles et erreurs et me remettre en conscience sur la voie du milieu. c'est à dire être plus digne et juste avec ce que je suis et ce que je veux être. et qu'il soit lui même un être autonome et sur de lui pourvoir aller sur chemin faisant même s'il rencontre des épreuves et reproches
Rédigé par : jade | 13/02/2007 à 11:09
Merci Jade pour votre témoignage, très intime, mais c'est votre choix. Je ne peux que vous conseiller de vous entourer et de trouver des lieux de parole respectueux de votre sensibilité. Sachez qu'il en existe.
Chaleureusement.
Isabelle.
Rédigé par : L'EDUC | 23/02/2007 à 22:32