La gueule du crocodile, c'est la mère ; le bâton, c'est le phallus du père, enfin, d'un point de vue symbolique, entendons-nous bien. Voilà, à présent le décor est posé, l'histoire peut commencer.
L'accouchement "provoque un méli-mélo de sentiments que l'on appréhende, ce qui n'arrange rien, avec un manque total de recul. C'est à ce moment que les pères qui n'étaient pas tombés dans les vapes lors de la dissection de l'oeil de boeuf en cinquième auront le courage de couper le cordon ombilical, geste ô combien symbolique qu'ils devront répéter au figuré des milliers de fois." Anne Boulay, "Mère indigne-mode d'emploi", Editions Denoël.
Le cordon ombilical est l'organe qui relie la mère à l'enfant durant neuf mois, de manière vitale. Ensuite, il doit être coupé d'une main pleine d'amour capable de conduire le petit d'homme vers son propre destin. Souvent, peut-être même par essence, la mère tentera de reconstituer ce lien ou de le maintenir lorsqu'il n'aura pu être rompu. Elle parlera d'amour, usera de tous les arguments : porter, sentir, vibrer, ne faire qu'un. Le dessein ? Protéger. Son petit. Faire son nid. La louve se dresse face à celui qui était, il y a peu, tout simplement, son partenaire.
Le père, à la naissance du gamin, c'est l'autre. Le monde. L'altérité. Et son rôle n'est pas des moindres. Trianguler, mettre du tiers, amener l'enfant vers la société, en un mot, socialiser. Joseph Rouzel, éducateur spécialisé et psychanalyste utilise une métaphore éloquente pour illustrer ce propos : la mère est un crocodile, la gueule ouverte, prêt à dévorer l'enfant. Le rôle du père est de mettre un bâton dans la gueule de la "bête" afin qu'elle ne puisse la refermer sur le petit. Poser un bâton, soit dire non, c'est frustrer. Et frustrer, c'est éduquer, apprendre à grandir dans un cadre, celui du respect de l'autre. C'est appréhender la limite, c'est se structurer.
Dans une famille monoparentale, que le père soit décédé, qu'il ait pris la fuite, ou qu'il se soit réduit à un spermatozoïde fécondant dans le cas d'un couple, par exemple, de femmes homosexuelles, il est primordial qu'il ait une place symbolique dans l'esprit de l'enfant. Une femme ne pourra jamais enfanter seule, (un homme non plus d'ailleurs). L'enfant naît de l'union charnelle ou organique d'un masculin et d'un féminin. En ce sens, tout gamin est issu d'un père, et d'une mère. La présence physique des deux est idéale mais pas toujours de l'ordre du possible. En revanche, "l'autre" doit exister dans la parole du parent présent, plus encore, il doit être considéré, respecté. Et ce, au-delà de tous les conflits de couples qui amènent parfois à être tenté de dire que l'autre est mauvais.
Le phallus, cité en introduction, c'était la névrose de Sigmund Freud. Au risque de m'attirer les foudres de certains psychanalystes, dont peut-être Joseph Rouzel, s'il arrivait toutefois qu'il échoue sur L'EDUC, je me permets de traduire (ô sacrilège !) la pensée freudienne de cette manière : dans le propos qui nous intéresse, le tiers, l'autre, est un "non" érigé en bâton de bois. Soit, assez simplement, un zizi en érection. L'auteur a eu ses mérites que l'on ne peut nier mais que les personnes souffrant d'impuissance se rassurent (notamment les victimes d'impuissance congénitale telles que les femmes), il est possible d'être tiers, de faire tiers, au féminin. La démarche est peut-être moins naturelle, quoi que, entre l'inné et l'acquis, le débat est un abysse.
Quoi qu'il en soit, lorsque l'éducation de chacun d'entre nous s'est avérée suffisamment opérante ; lorsque nos parents ont été en mesure d'être suffisamment bons, alors, il se trouve que nous nous sommes structurés en intégrant cette fameuse notion de tiers. L'idée est ensuite d'en prendre suffisamment conscience pour être en mesure de la transmettre.
L'EDUC.
Mais la mère ne peut-elle être aussi engagée dans l'autonomisation de l'enfant? N'y aurait-il donc que des mères dévorantes et/ou fusionnelles?
Pas sûre...
Rédigé par : Le Monolecte | 20/05/2006 à 20:44
Chère Le Monolecte,
Je me suis permise de me saisir de votre commentaire pour écrire une note intitulée :"le phallus de M. Freud". Merci pour vos commentaires qui amènent un vrai débat.
Au plaisir.
L'EDUC.
Rédigé par : L'EDUC | 21/05/2006 à 01:46