Grand-père est impuissant. Prisonnier d'un temps qui n'en finit plus. Scotché dans un lit blanc devant un écran de télévision, pèpére regarde les canards de dessins animés. Du moins c'est ce que disent ses enfants, parce qu'il fixe l'écran et que ses mouvements oculaires semblent s'adapter aux images pour enfants. Moi, je dis que personne ne peut connaître la réalité de grand-père aujourd'hui parce qu'il est rongé par une saloperie qui rappelle à l'homme que ses mots sont minuscules. Pépère a la maladie d'Alzheimer. Il ne parle plus. Depuis, il m'a tant appris.
La génération de mes parents est confrontée à une nouvelle étape de vie. Ils s'agitent face au grand age de leurs parents, s'abîment dans l'éthique. La vieillesse puis la mort. On m'en avait parlé. C'est vrai, je ne peux pas prétendre ne pas avoir été prévenue. Mes parents non plus. Et puis voilà, ça profile le bout de son nez et je me dis qu'on avait beau le savoir, on n'y croyait pas. C'est comme cela que depuis que je vois pépère, petit homme ouvrier à la mèche rebelle, partir en silence, je réalise que je vais moi aussi, mourir. Et après ? Je ne sais pas, j'ai beau lire, regarder, écouter, respirer, en parler. Il semblerait qu'il n'y ait pas de vérité.
J'avais cru que les adultes avaient une réponse à toutes les questions. Une pensée pour grand-père.
L'EDUC
Lorsque l’on est enfant, les adultes sont des grands, forts, qui nous protègent…
Nous avons le sentiment qu’il existe sur la planète deux catégorie : les grands et nous, les enfants.
Puis sans nous en rendre compte vraiment, nous grandissons, et les adultes nous semblent alors plus proches.
Puis, nous grandissons encore et encore, devenons à notre tour adultes, puis nos parents vieillissent, s’affaiblissent et les rôles s’inversent, et nous les protégeons et les soutenons à notre tour.
Cela me rappelle un soir, où rentrant d’un dîner avec ma mère, peu rassurée de cette sortie nocturne, m’avait prise par le bras comme pour se rassurer et je décidais alors de la raccompagner sereine et confiante au pied de son immeuble. Ce soir là, elle n’avait pas à avoir peur, puisque j’étais là, enfin c'est ce que je pensais sincèrement.
Elle aussi a veillé sur son père en fin de vie, elle aussi l’a soutenu, l’a soigné, lui cet homme robuste qui avait émigré loin de son pays pour nourrir ses filles.
Mon grand père n’est plus là. J’ai des souvenirs plein la tête, inaltérables, jusqu’à ma fin.
Alors, le temps qui passe me rappelle chaque jour combien la vie est précieuse, qu’il est important pour moi de profiter de celles et ceux que j’aime.
Alors non, l’adulte que je suis n’a pas la réponse. Et la réponse à quoi d’ailleurs ??
La vérité ? Laquelle ?
Je dirais, simplement vivre en harmonie avec soi.
« Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine. »
[Marguerite Yourcenar]
Je trouve votre texte particulièrement émouvant !
Cordialemnent
Rédigé par : Maria Yvonne | 25/04/2006 à 21:00
Alors que je méditais sur la situation de Grand-père Goulet, un ami bouddhiste écrit ceci sur ma liste de discussion il y a deux jours :
« Le blé et la moisson »
...« Un de mes amis, 80 ans, [pratiquant bouddhiste] avait du mal à croire en l'Eternite de la Vie ...
En mars dernier, cet ami nous a quitté, apres avoir souffert pendant deux ans, emprisonné dans un corps paralysé par un système nerveux presque arrêté. Il refusait la vieillesse, et voulait toujours rester jeune.
Un jour, il a fait le parallèle entre le blé et la vie :
la vieillesse est comparable à la période de la moisson. C'est le temps de faire le bilan, c'est aussi le temps de la sagesse. La moisson prépare la plantation pour l'année suivante, tout comme les grands parents accompagnent les plus jeunes dans la vie. La vieillesse est aussi le temps de préparer sa propre prochaine vie.
Il a compris tout doucement que la mort était une période de repos,
pour mieux se préparer à sa prochaine vie.
Petit a petit, mon ami s'est transformé. malgré sa très grande paralysie, il était heureux de vivre sa place de patriarche dans la famille, et sa famille le lui rendait bien.
Il est mort un matin de mars, dans les bras de sa fille, dans une extraordinaire sérénité »...
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Rien ne peux mieux exprimer ce qu'enseigne le bouddhisme autour de la vieillesse et de la mort.
« Le bouddhisme enseigne à affonter la mort avec calme et sans passion sans détourner notre regard de l'inévitable »*.
Vie et mort sont une seule et même entité, inséparable et éternelle, comme la plante qui prépare la graine et cette dernière qui contient la plante en germe, avec les successions de récoltes... d'une vie à l'autre.
« La vision matérialiste compare la vie à un livre avec un début et une fin, une foi tournée la dernière page le livre est fini, c'est une vision sans espoir. La vision bouddhique compare la vie à une page d'un livre qui n'a ni commencement ni fin, peu importe le nombre de pages tournées, l'histoire se poursuit indéfiniment »*.
Nichiren défini Myo et Ho - vie et mort, l'un actif et manifeste, l'autre latent et invisible - comme les deux aspects d'un même continuum de vie profond. Ce continuum est façonné et influencé par la loi de causalité, ou cause effet, que Nichiren identifie à « renge », la fleur de lotus. (Revue Troisième civilisation n°536 Avril 2006, page 19).
Le lotus, qui symbolise l'éveil bouddhique produit sa fleur et sa graine simultanément. La simultanéité de la cause et de l'effet illustre ainsi le fait que la boddhéité n'est pas ailleurs que dans notre propre vie, ni autre chose que notre propre vie elle-même. Nous nous épanouissons humainement en nous éveillant à cette réalité. Les souffrances de la naissance, de la maladie, de la vieillesse et de la mort, sont alors le terreau fertile de l'illumination et nous ne les subissons plus inutilement, nous les utilisons pour approfondir le sens de la vie, pour l'enrichir dans un sens créatif, positif, en nous pacifiant et nous humanisant. Cela est illustré symboliquement par le fait que le lotus s'épanouit en puisant sa substance nourricière dans les étangs boueux.
« Le bouddhisme considère que les joie et les peines de la vie actuelles sont les résultats des causes accumulées durant les vie antérieures. Il estime que les causes accumulées durant la vie présente sont des facteurs déterminant les vies futures à travers l'éternité. »*
Ainsi l'éternité de la vie peut s'appréhender dans notre capacité à réaliser que nous sommes nous même, la plante et la graine simultanément, créateur de notre propre vie, et ce depuis le temps sans commencement ni fin, pour l'éternité.
« Le grand maître chinois Chih-i à écrit dansle Hokke Gengi (« Signifcation profonde du Sûtra du lotus ») : « Mes souffrances présentes résultent du passé ; les fruits de ma pratique actuelle de la foi viendrons dans le futur. » »*
Sur la base de cette croyance nous comprennons l'intérêt à nous éveiller à notre potentiel de bouddha dans cette vie et jusqu'à notre mort, ultime moment de vérité quant au sens profond que nous aurons donné à notre vie présente.
Yann De Saulcourt
« * » : Développé dans : La Vie à la Lumière du Bouddhisme », Daisaku IKEDA, édition du Rocher, pages 240-241.
Rédigé par : Yann De Saulcourt | 01/05/2006 à 00:40
Un grand merci pour ce nouvel apport passionnant.
L'EDUC
Rédigé par : L'EDUC | 04/05/2006 à 00:23
j'aimerai avoir un aperçu du traité pour ouvrir les yeux de Nichiren Daishonin concervé par la Soka Gakkai
Rédigé par : Bligui Lokou ben roy hugues | 03/07/2006 à 15:55