"Cette fascination morbide de Fofana et sa bande pour l'argent facile, pour les filles dont on dispose à sa guise et la violence gratuite nous renvoie au modèle du rappeur 50 Cent. Un modèle commun à bien des jeunes sans repères et sans éducation..." Fatiha Benatsou et Nourdine Cherkaoui - "Halte au masochisme national" - Le monde - 8 mars 2006 - Rubrique Point de vue.
Tous les mardi soirs, mes collègues et moi-même accueillons un groupe de jeunes de 14-15 ans à notre local. Il s'agit pour eux d'un temps d'accès libre (en notre présence) à internet. Cet outil de travail (Internet) est pour nous un prétexte à la relation. Les jeunes qui attendent leur tour prennent un thé avec les éducateurs, une excellente occasion pour nous d'échanger avec eux.
L'intérêt de ces gamins pour Internet tourne autour de MSN (le dialogue en direct) et de la musique. Le rap en particulier. Ils écoutent des morceaux et visionnent des vidéos trouvées dans des sources diverses et variées qu'ils sont seuls à connaître.
Il est très difficile de communiquer avec eux durant ces instants, ils sont en effet absorbés par le flux incessant des messages qu'ils reçoivent sur MSN tout en fredonnant des paroles parfois bien crues sur des rythmes saccadés et oppressants : "j'ai les cou. bien pleines et la sal. les lèche" est un exemple de poésie que l'un d'entre eux a pris plaisir à chantonner une partie de la soirée de mardi dernier malgré ma demande de s'en dispenser. Le fait de "déranger" l'adulte avec de simples mots et de l'inciter à intervenir fait d'ailleurs partie de "l'excitant."
Le lendemain, j'ai eu envie d'y voir un peu plus clair. Quid du rap ? Il est vrai que j'avais des a priori. L'aperçu que les jeunes peuvent me donner du courant musical n'est pas engageant. Alors je suis allée surfer plusieurs heures dans l'univers du rap. Résultat ? Je ne suis pas convertie mais il est vrai qu'il existe différentes catégories de rap, et ce, en terme de musique et de texte. Je suis frappée toutefois par ce qui semble fédérer toutes les catégories : la souffrance, la douleur, la colère, parfois bien pire. Le genre musical semble être une litanie et il est vrai que parfois la plainte est belle et pertinente.
Mais ce n'est pas du rap intelligent dont je souhaite parler ici car ce n'est malheureusement pas celui-là que les jeunes que j'accompagne écoutent. Le rap des gamins de quartiers, ceux qui sont issus des familles en difficultés, les mômes de souches fragilisées, est un rap de haine. Cette catégorie de rap prône la loi du plus fort, le non respect, en particulier celui des femmes qui sont réduites à l'état de petit joujou sexuel et d'être inférieur au genre masculin (voir l'atmosphère des clips vidéo du chanteur Sinik !), la violence, l'apologie du "fric" et de la petite combine. Et les jeunes s'identifient à des personnages qui, dans le meilleur des cas, jouent les "Baracouda", entourés de poupées écervelées, ou incitent à "mettre le feu" sur un fond de discours racial (la France raciste, ne veut pas de nous, victimes d'origine maghrébine et africaine..), dans les cas les plus inquiétants. Les jeunes d'origine maghrébine et africaine de milieux en difficultés n'ont pas besoin de ce discours mortifère. Ils semblent suffisamment perdus dans un no man's land. Leurs propos évoquent déjà deux mondes, le leur et celui des "gaulois" pour reprendre un terme qui s'inscrit dans un certain rejet anti-blanc. La France serait une orange coupée en deux. Le repli communautaire est exacerbé, et je ne parle pas de quartiers isolés. Mon expérience de terrain s'inscrit sur des territoires basés au coeur de la ville. Dans ce contexte, les mots n'ont que trop d'importance. Il est capital d'user du vocable pour construire et rassembler. Les acteurs du rap primaire rongent un lien abîmé et douloureux, en ce sens, ils partagent la responsabilité de la dégradation de situations humaines dans les quartiers.
Ce rap est dangereux pour les gamins et donc pour la société.
A ce titre, il me paraît urgent que le législateur se positionne et que la prise de conscience s'élargisse car le travail des éducateurs, à lui seul, est bien insuffisant face à la tache. D'autant que la tendance au "protectionnisme" des jeunes dont le travailleur social fait souvent preuve ne l'aide peut-être pas toujours à prendre conscience de l'ampleur de certains phénomènes. Et pourtant, les messages véhiculés par certains rappeurs sont réellement dangereux, tout autant que la banalisation qui parfois les accompagne.
Partageons à présent mes découvertes :
Ghetto Fabulous Gang : un groupe découvert par le biais des jeunes mardi dernier :
Ghetto Fabulous Gang - site officiel
- Passer l'intro, sélectionner l'onglet multimédia, sélectionner vidéos puis visionner les deux vidéos en ligne.
L'EDUC.
Oh que je comprends..... Grâce à skyrock j'ai droit à quelques "minicrises" quand je censure une chanson à caractère haineux, sexiste, voire parfois raciste dans le traffic...
Rédigé par : k | 20/03/2006 à 08:01
J'ai proposé l'autre jour, a trois jeunes qui ecrivent des textes de rap bien tournés, de les enregistrer et de trouver d'autres jeuens interressés pour les mettre en musique. Reaction immediate : super on va gagner de la tunes et niquer plein de bonne meufs !!
Rédigé par : alva | 21/03/2006 à 14:53