La culture amérindienne me séduit beaucoup, elle est porteuse de la conception de l’âme, de manière vivante et gaie. L’homme blanc, fier de son industrialisation, cancérise chaque jour d’avantage ce que l’on appelle le poumon de la terre. L’Amérique du Sud, riche de sa beauté et de ses drames habite néanmoins encore quelques peuplades aux modes de vie traditionnels. Chacun de ces hommes et de ces femmes évoluent dans une telle harmonie avec la nature qu’ils semblent indissociables d’un arbre ou d’une herbe. Leurs rites me paraissent être de formidables sources d’inscription de chaque personne dans sa généalogie et sa culture. Les anciens, les ancêtres font partie intégrante de la vie des vivants. Un mort ne l’est jamais totalement, il est réincarné ou appartient au monde des invisibles. Nous appelons cela, nous les occidentaux, des croyances. Mettre des mots sur les choses de la vie, c’est notre névrose. Une croyance, c’est un concept simple puisque par définition on y croit, ou pas.
Ce que je crois, c’est que nous sommes unis d’un lien spirituel et sensoriel qui se situe bien au delà des mots, au delà d’une présence et d’un contact physique. Nous sommes porteurs de l’histoire, responsables de son passé comme de son avenir.
Nous sommes des êtres de transmission. A partir de cet énoncé, je dis qu'éduquer, c'est transmettre.
En Octobre 2005, Jean-Michel Zejgman publiait un article dans la rubrique "Tribune libre" des A.S.H (Actualités Sociales Hebdomadaires, revue bible du secteur social). Son propos ? "Une transmission de valeurs, une explication symbolique du monde". L'auteur évoquait la "dimension symbolique de la notion d'éducation". Concept abstrait me direz-vous ? Certainement pas, vous répondrais-je ! Nous sommes ici au coeur de la question de l'éducation et donc de l'acte éducatif :
"L'éducateur se caractérise (..) par un savoir-faire et un savoir être, à la fois du côté de l'agir et du côté du symbolique, comme celui qui va transmettre une mémoire de l'humanité et ainsi aider l'enfant à aller dans le monde. Apporter des éléments de la vie, faciliter l'accès à la culture, n'est pas seulement l'objet de techniques éducatives, mais bien le fait d'une transmission de valeurs, d'une explication symbolique du monde." J.M. Zejgman.
L'auteur évoque ensuite une impasse, il parle de "deux approches" de l'éducatif qui "renvoient à deux dimensions symboliques très différentes ; l'une se situant du côté de l'apprentissage de la loi, l'autre du côté du don, de la transmission.". Il précise que l'une et l'autre s'opposent fréquemment dans les institutions, les écoles, générant parfois mépris et incompréhension au sein des équipes (...) où les opinions font rage".
Il m'apparaît, à la lecture de ces propos, que la prévention spécialisée est nichée au coeur de cette dynamique. Je constate au sein même de mon équipe que ces deux approches s'opposent en un affrontement brutal. Chaque éducateur se perd trop souvent dans un combat de croyances teintées de dimensions personnelles et politiques. Le jeune accompagné serait, selon l'approche du professionnel, un sauvageon que l'on devrait inscrire dans l'apprentissage de la loi ou une victime d'une société abusive que l'on ne pourrait protéger que dans le don.
Et si les deux dimensions étaient présentes chez le jeune ? Le parent, l'éducateur, en tant qu'objet transmetteur, ne devrait-il pas s'inscrire dans la transmission de ces deux symboliques ? Ne devrait-il pas être lui-même porteur de ces deux symboliques ? La transmission humaine n'est pas un simple panier de valeurs et de croyances à appliquer selon l'époque. En ce sens, les partisans et détracteurs d'un Nicolas Sarkozy du moment ne devraient trouver aucune place de parole sur leur lieu de travail.
Et pourtant, la prévention spécialisée est politisée. elle est donc loin d'être des plus efficaces. Elle perd en effet beaucoup trop d'énergie à combattre un gouvernement en place ou à venir. Et elle renie sa mission première, la transmission.
Dans ce contexte, je me permets de me joindre à M. J.M. Zejgman pour conclure mon propos : "Réintroduire une réflexion théorique sur le sens même du mot "éducation" me semble un préalable essentiel à toute formation, à toute démarche professionnelle dans le champ de l'éducation. Il faut redonner à cette notion sa valeur symbolique de transmission et l'articuler avec nos savoir-faire et nos compétences". J. M. Zejgman.Blog de M. J.M. Zejgman
L'EDUC
Merci pour votre généreux commentaire, et pour votre analyse à laquelle je souscris. Effectivement, on réduit vite l'enfant ou le jeune à une image de bourreau ou de victime...
Et si on leur redonnait une vraie place d'enfant ?
A ce sujet, je vous encourage à lire les 2 articles parus sur mon blog sur les évolutions souhaitées par Philippe Bas sur la protection de l'enfance.
Il y a là aussi matière à réflexion !
cordialement
J.M. ZEJGMAN
Rédigé par : Jean-Michel ZEJGMAN | 27/03/2006 à 22:24
Merci pour ces renseignements.
L'EDUC
Rédigé par : L'EDUC | 29/03/2006 à 01:38
Merci pour cette approche pertinente, connaissez vous des écrits sur les représentations que l'on a de ce métiers d'éduc de rue?
merci J.P. caldier
Rédigé par : caldier jean pierre | 21/04/2006 à 12:23
Bonjour,
Je vous remercie pour la critique, somme toute plaisante. Vous me demandez si j'ai connaissance d'écrits concernant "la représentation que l'on a de ce métier d'éduc de rue", aussi je me permets de vous demander également à mon tour de quelle place vous parlez. En effet, ces représentations seront malheureusement (et c'est d'ailleurs ce qui anime en partie mon propos) différentes si l'on se place du point de vue du citoyen lambda, de politiques, des jeunes eux-mêmes ou de l'éducateur. De quel "on" parlez-vous ? Au plaisir.
Bien cordialement.
L'EDUC.
Rédigé par : L'EDUC | 22/04/2006 à 21:52